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Les promesses pas vraiment tenues des JO 2024 à Paris

Tony Estanguet avait promis « des Jeux pour tous ». Lors de la présentation en 2016 de la candidature de Paris aux Jeux olympiques et paralympiques 2024, le triple champion olympique de canoë avait esquissé les contours d’un événement populaire, qui profiterait à la banlieue autant qu’à la capitale, s’appuyant sur le maillage des transports parisiens et les nombreux équipements existants. A quelques mois de la cérémonie d’ouverture, retour sur plusieurs décisions qui ont en partie écorné cette image.
C’est un dispositif inédit dans l’histoire des Jeux olympiques modernes. Alors que les cérémonies se déroulent traditionnellement au sein d’un stade, l’ouverture des Jeux de Paris 2024 devrait se tenir au cœur de la ville, sur un parcours de 6,3 kilomètres le long de la Seine. Lors de l’annonce du projet, à la fin de 2021, la jauge avait été établie à 600 000 spectateurs, sans préciser la part de places payantes.
Les ambitions initiales d’accueil du comité d’organisation ont été revues plusieurs fois à la baisse en raison des difficultés de sécurité posées par un dispositif aussi étendu et ouvert, en pleine ville. Lesquelles ont donné lieu à de très nombreuses réunions et négociations entre le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop), la Mairie de Paris et les services de l’Etat. En septembre 2022 a été annoncé le nombre de spectateurs payants sur les quais bas : environ 100 000, avec des tarifs allant de 90 euros à 2 700 euros, tandis que les quais hauts pourraient accueillir gratuitement entre 400 000 et 500 000 spectateurs.
En mai, la ministre des sports et des Jeux olympiques, Amélie Oudéa-Castéra, a annoncé une première réduction de la jauge – « autour de 400 000 » places gratuites. Un dimensionnement plus en accord avec la capacité des transports en commun à encaisser un tel afflux.
A l’automne, les discussions ont abouti à ramener ce chiffre à 300 000 places gratuites, avant, finalement, d’être fixé à la fin de janvier à 222 000 par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. La jauge, en comprenant 104 000 spectateurs payants, devrait ainsi être de 326 000 spectateurs, soit presque deux fois moins que ce que le président du Cojop, Tony Estanguet, et la maire de Paris, Anne Hidalgo, défendaient initialement.
M. Darmanin a aussi précisé que les places gratuites ne seraient finalement pas accessibles à tous par la billetterie, mais qu’elles seraient attribuées par l’Etat, les collectivités publiques et le comité d’organisation. Les critères de sélection retenus par ces « tiers de confiance » ne sont pas encore connus, mais ils pourraient nettement privilégier les résidents parisiens et franciliens, ce qui compliquerait l’accès aux spectateurs des autres régions ou de l’étranger.
La cérémonie, qui devait débuter à 20 h 24, a par ailleurs été avancée à 19 h 30, notamment pour faciliter le retour des spectateurs en transports en commun.
Vanté comme l’un des points forts de la candidature parisienne en 2016, le maillage des transports en commun devait s’enrichir de six nouvelles lignes ou prolongements de métro et de RER pour accueillir les dix à quinze millions de spectateurs prévus et desservir les sites olympiques.
Finalement, la livraison de quatre nouvelles lignes a été reportée et un prolongement ne sera que partiellement mis en service pour les Jeux :
Seul le prolongement de la ligne 14 vers le nord, jusqu’à Saint-Denis – Pleyel, et vers le sud jusqu’à Orly, devrait entrer en service comme prévu avant les JO. Il facilitera la desserte du village olympique et des voyageurs arrivant de l’aéroport.
C’était l’une des grandes promesses des JO de Paris 2024 : la gratuité des transports en commun pour les détenteurs de billets le jour de la compétition. Cet engagement figure dans le dossier de candidature de 2016 et a été réitéré les années suivantes. Tony Estanguet l’a notamment réaffirmé à la fin de 2019 au Parisien, ainsi qu’au Sénat en mars 2021.
Les surcoûts liés à l’inflation ont contraint les organisateurs à faire des économies. En décembre 2022, une révision budgétaire destinée à corriger le budget des Jeux a confirmé l’abandon de la gratuité des transports en commun, qui aurait coûté, estime le Cojop, environ 45 millions d’euros.
Un an plus tard, la situation s’est même inversée, puisque la présidente d’Ile-de-France Mobilités (IDFM), Valérie Pécresse, a annoncé que les tarifs seraient plus élevés durant la période des Jeux (20 juillet-8 septembre). Une décision que la présidente (Les Républicains) de la région justifie par la nécessité de financer le renforcement de l’offre de transports en commun : « Il n’est pas question que les Franciliennes et les Franciliens paient ce coût. »
Le dossier de candidature prévoyait la création d’un centre aquatique olympique (CAO) pour accueillir toutes les épreuves de natation, de water-polo, de natation synchronisée et de plongeon, avec une capacité d’accueil de 15 000 à 17 000 spectateurs. Mais l’envolée des prix de la construction a rapidement mis à mal ces ambitions. Estimé à 111,2 millions d’euros en 2016 (90 millions pour le centre aquatique, 21,2 millions pour sa passerelle d’accès), ce coût a été réévalué en mars 2018 à une somme qui « pourrait dépasser 260 millions d’euros » par l’inspection générale des finances publiques.
Pour réduire cet important surcoût, les organisateurs ont décidé en 2020 de réduire les dimensions du centre aquatique olympique. De 17 000 places, sa capacité a été ramenée à 5 300 places, ce qui abaisse le coût à 174,7 millions d’euros.
Mais diviser par trois la jauge du public ne permettait plus de répondre aux exigences de la fédération internationale de natation, World Aquatics. Les organisateurs ont donc été contraints de déplacer une partie des épreuves aquatiques à l’Arena Paris la Défense, qui accueillera la natation sportive et les phases finales de water-polo dans plusieurs bassins olympiques temporaires devant 17 000 spectateurs. Le CAO abritera trois disciplines : la natation synchronisée, le water-polo et le plongeon.
Initialement, les épreuves de tir devaient se tenir à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, dans un centre de tir démontable flambant neuf, installé sur un ancien terrain militaire ayant servi au ravitaillement de l’armée en hydrocarbures. Les travaux de dépollution du site, financés à hauteur de 12 millions d’euros, ont commencé en décembre 2021. Mais une visite du comité d’organisation a soulevé un problème de taille : les treize hectares du site semblaient insuffisants pour accueillir les spectateurs attendus. Les organisateurs ont tenté de négocier la suppression d’une piste de ball-trap, option refusée par la Fédération internationale de tir sportif. Le Cojop a envisagé d’agrandir l’emprise au sol mais a abandonné cette piste, le parc départemental Georges-Valbon auquel appartient le terrain convoité étant classé Natura 2000.
Le Cojop a décidé en juillet 2022 de déplacer les épreuves à Châteauroux, dans l’Indre, après un intense lobbying de la ville, aux dépens de la Seine-Saint-Denis, qui avait déjà perdu les épreuves de natation. Les épreuves se dérouleront au sein du Centre national de tir sportif, inauguré en 2018. La suite ne s’est pas faite sans encombre pour autant : après avoir annoncé leur choix, les organisateurs avaient fortement sollicité les capacités hôtelières de la ville, avant d’annuler une grande partie de leurs réservations à la fin de 2023 – une « douche froide » pour les hôteliers castelroussins. La mairie a aussi annulé la mise en place d’une fan-zone en centre-ville, pour des raisons financières.
A La Courneuve, le Terrain des essences a été dépollué et revégétalisé. Il accueillera le départ du marathon paralympique et comprendra, à terme, une portion sanctuarisée pour la faune et la flore et un skatepark.
Plusieurs épreuves devraient se dérouler dans la Seine pendant les Jeux olympiques, dont le marathon en eaux libres (10 km) et le triathlon (1,5 km). Mais des doutes persistent sur la « baignabilité » de la Seine au moment de ces épreuves, malgré les années de chantier et le 1,4 milliard d’euros dépensés pour dépolluer le fleuve. En août 2023, le seuil de pollution bactérienne acceptable avait été dépassé après de très fortes pluies puis la défection d’une vanne. Les épreuves tests de natation en eaux libres et de triathlon avaient alors été annulées.
La Ville et le Cojop se disent confiants sur le niveau de propreté attendu en août, en arguant du fait que le système de dépollution du fleuve n’était pas, en août 2023, pleinement mis en service : plusieurs ouvrages importants, dont le bassin d’Austerlitz, devraient compléter le système au printemps pour limiter les risques en cas de fortes pluies.
Mais les autorités ont prévenu que ces ouvrages n’empêcheraient pas les eaux usées de déborder et de se déverser dans le fleuve si les précipitations sont trop fortes. Dans un tel cas, les organisateurs envisagent de décaler les épreuves de natation de quelques jours, le temps de retrouver une qualité de l’eau suffisante pour garantir la santé des athlètes. Cette ébauche de plan B ne convainc pas tout le monde : certains athlètes ont fait part récemment de leurs inquiétudes, comme la championne olympique Ana Marcela Cunha ou le champion du monde de triathlon Dorian Coninx.
Gary Dagorn
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